02 avril 2022 traduit librement de l'allemand
La Passion se poursuit : La trahison de Judas
Il est fort possible que la treizième semaine de l’année 2022, qui s’achève aujourd’hui, soit identifiée par les historiens ultérieurs comme la semaine au cours de laquelle le schisme voilé des catholiques allemands s’est transformé en schisme ouvert. Scellé par l’intention communiquée par l’encore cardinal Marx dans une interview au magazine à sensation « Stern » d’abandonner la doctrine catholique sur des points décisifs de sa vision du monde et de l’homme et de modifier le catéchisme en conséquence – ou d’en rédiger un nouveau pour la zone de pouvoir de la Voie synodale.
La déclaration de Marx marque le point culminant provisoire d’un processus d’exclusion de la communauté de foi de la plus grande partie de l’Eglise universelle, qui n’a cessé de s’intensifier et de s’accélérer ces dernières années. Les critiques internes ne sont pas les seules à être marginalisées de manière toujours plus brutale, comme l’a déploré l’évêque de Ratisbonne Voderholzer dans le « Tagespost ». Même les voix critiques venant de l’extérieur, d’autres secteurs de l’Eglise universelle plus fidèles à la foi, sont balayées avec une arrogance incroyable – comme vient de le faire l’appel inquiet de la conférence épiscopale polonaise par son grand président Bätzing. Suite à la demande tout à fait sérieuse du cardinal australien Pell au pape de rappeler à l’ordre les évêques Bätzing et Hollerich en raison de leur éloignement de la doctrine, la clique des fonctionnaires des catholiques allemands n’a rien trouvé de mieux que de demander en retour au pape de « mettre immédiatement un terme aux agissements irresponsables du cardinal Gerhard Ludwig Müller ». Car, selon les gardiens de la foi de « Maria 2.0 » et « Wir sind Kirche », le cardinal, en critiquant la politique de Corona du gouvernement, propage des « mythes de conspiration » et est « perçu comme ayant tendance à être antisémite ». Quand on ne trouve plus rien d’autre à dire…
Les appels lancés au pape François pour qu’il clarifie les choses dans l’une ou l’autre direction sont une chose : voici la suite: François est depuis le début de son pontificat un homme des zones d’ombre, des ambiguïtés et des indécisions. La clarté n’est pas sa tasse de thé, de même qu’une intervention décisive uniquement lorsqu’il voit sa position de pouvoir personnelle diminuée ou l’une de ses spécialités menacée. Il se peut néanmoins que l’évolution de l’Allemagne le contraigne tôt ou tard à intervenir. Non pas parce qu’il rejette fondamentalement l’aberration synodale – il peut tout à fait se déclarer d’accord avec certains des points qui y ont été discutés et qui ont sans doute été adoptés définitivement par la suite. Mais pas avec tous, et ceci devrait lui déplaire particulièrement : Poursuivie jusqu’au bout, la voie synodale allemande conduit à une organisation ecclésiale dans laquelle le pape n’est guère plus que l’auguste salut dans le cercle des présidents des conférences épiscopales régionales, qui ne sont eux-mêmes guère plus que les porte-parole de leurs républiques des conseils respectives. D’un autre côté, lui et ses conseillers pensent bien sûr aux nombreux beaux euros issus de l’impôt ecclésiastique allemand, sans lesquels la situation du Vatican serait encore bien pire qu’elle ne l’est déjà. Un vrai dilemme.
Tout porte à croire que François continuera à faire de la politique de l’autruche. Que son successeur tente donc de résoudre ce dilemme.
Cette course à l’indécision au sommet est bien sûr la chose la plus dommageable qui puisse arriver à l’Eglise. D’abord, bien sûr, sur le plan des principes – la mission du ministère pétrinien ne consiste pas à s’installer confortablement dans des zones d’ombre. Mais aussi tout particulièrement dans la phase historique actuelle, où l’Eglise est confrontée à des attaques incessantes de l’intérieur et de l’extérieur. Le journaliste américain David Carlin a publié ces jours-ci sur TheCatholicThing un article qui explique de manière convaincante le lien entre l’indécision des dirigeants et le glissement accéléré des personnes à diriger sur le plan incliné.
Dans cet article, Carlin décrit tout d’abord différents types de catholiques qui ont des difficultés avec la doctrine – que ce soit sur des points particuliers ou dans leur ensemble : il y a ceux qui se voient en contradiction avec certains points, mais qui restent néanmoins dans l’Eglise « en souffrant en silence », parce qu’ils ne sont pas sûrs de leur jugement, ou parce qu’ils ne voient pas d’alternative, ou encore parce qu’ils espèrent que l’Eglise évoluera dans la direction qui leur convient. D’autres ne supportent plus leur ancienne patrie religieuse devenue étrangère et s’orientent ouvertement et publiquement ailleurs : ils se convertissent à une autre confession, abandonnent complètement le christianisme et deviennent bouddhistes ou s’abandonnent complètement à l’agnosticisme et à l’athéisme de la société.
D’autres encore estiment avoir entièrement raison de s’opposer et mettent tout en œuvre pour convertir l’ensemble de l’Église à leur conviction. Ces réformateurs n’envisagent même pas de quitter l’Église – du moins tant qu’ils ont l’espoir que l’Église universelle évolue dans la direction qu’ils souhaitent.
Ce n’est pas seulement depuis ce pontificat, mais avec une fréquence et une intensité croissantes au cours des dix dernières années, que les évêques, les cardinaux et le pape lui-même posent des signes qui peuvent confirmer de tels espoirs. Et c’est ainsi que les réformateurs intensifient leurs efforts et trouvent alors davantage d’adhérents – et plus les fidèles de la foi deviennent silencieux et invisibles. C’est ainsi que naît une dynamique fatale, qui entraîne également les dirigeants qui n’ont pas le courage de diriger. Au final, les réformateurs sont là où ils voulaient aller – du moins pour le moment, car ils ne sont jamais satisfaits. Et les autres, qui ne voulaient et ne veulent rien d’autre que de préserver la foi telle qu’elle a toujours été crue, partout et par tous, se voient privés de foyer.
Il semble que cette évolution se dirige actuellement, du moins en Europe centrale, vers un point où des décisions deviendront inévitables, d’une manière ou d’une autre, au sommet ou dans la piétaille.