Lettre ouverte au Cardinal Maradiaga
Nous recevons et nous publions
Carême 2022
Après plus de huit ans, la lettre suivante – dont le contenu n’a pas perdu son actualité – n’a pas reçu de réponse. Au lieu de l’ « ouverture » affichée, on remarque plutôt, pour les voix critiques d’un certain type, la mise en place de mesures destinées à réduire au silence (elles vont du renvois de cardinaux jusqu’au régime restrictif des “concessions” du rite traditionnel), ce qui favorise le découragement et l’exaspération. Ndr.
Lettre ouverte au Cardinal Maradiaga
Février 2014
A S. E. R. le Card. Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga
Coordinateur de la « Commission des Cardinaux »
Et, par connaissance,
A d’autres Cardinaux
« Je promets de ne rien diminuer ou changer de ce que j’ai trouvé conservé par mes vénérés prédécesseurs, et de n’admettre aucune nouveauté, mais de conserver et de vénérer avec ferveur, comme leur véritable disciple et successeur, de toutes mes forces et avec tous mes efforts, ce qui a été transmis […] Si j’ai la prétention d’agir en dehors de ces choses, ou de permettre à d’autres de le faire, Vous ne me serez pas favorable au jour redoutable du jugement divin » (extrait du Serment des Papes le jour de leur couronnement […] à propos de la grandeur et des limites du pouvoir pontifical).
Eminence Révérendissime,
dans l’interview que Votre Éminence a accordée à La Repubblica, l’organe de la gauche maçonnique en Italie, le 22 novembre dernier, en réponse à la question du journaliste « Pourquoi avez-vous choisi Bergoglio au conclave ? », Votre Éminence a déclaré : « C’était l’Esprit Saint. Ce jour-là, il n’était pas en vacances ou en train de faire la sieste. Bergoglio avait déjà démissionné de son poste d’Archevêque de Buenos Aires et attendait son successeur pour partir en retraite. Il ne pensait pas à l’élection et avait son billet de retour à la main. Au lieu de cela, l’Esprit a suggéré un nom différent de celui de la curie et de l’Italie ». En nous conformant à humour de votre réponse, et confiant dans l’esprit salésien de Votre Eminence, nous nous permettons de Vous présenter avec franchise quelques perplexités que nous avons à ce sujet, en Vous ouvrant librement notre cœur.
A vrai dire – selon la logique de la réponse, qui semble d’ailleurs aller au-delà de la question – « l’Esprit » semblerait avoir éclairé encore plus précisément La Repubblica d’Eugenio Scalfari (et les cercles qui se cachent derrière) : en effet, il est avéré qu’il avait déjà deviné le nom du nouveau Pape quelques jours auparavant, alors que l’intéressé direct a dit y avoir pensé seulement pendant l’élection, et seulement après avoir dépassé les soixante-dix-sept voix (cf. le très favorable A. Tornielli Francesco Insieme, pp.68-69).
Nous ne doutons pas que le Cal. Bergoglio avait un billet de retour pour Buenos Aires à la main, mais nous devons également constater quelques éléments dissonants. Oublions sa déclaration de faire de feu Don Giacomo Tantardini son secrétaire en cas d’éléction (Don Giacomo Tantardini est décédé un an avant l’élection). Oublions la campagne électorale mise en œuvre pour lui dès 2005 par le diplomate Mgr Pietro Parolin aujourd’hui cardinal et secrétaire d’état. Oublions ses visites incognito non encore éclaircies à ce haut lieu clérico-curialo-mondain, l’Académie Ecclésiastique, précisément dans les semaines précédant le dernier Conclave. Oublions encore que le nom de l’élu était certes, suffisamment « différent de celui de la Curie » mais pas au point d’empêcher des hommes influents de la curie de permettre cette élection ni au point de mettre en péril le milieu diplomatique curial à l’issue d’un consistoire ostensiblement pénalisant pour d’autres milieux ecclésiastiques. Oublions beaucoup d’autres choses encore. Demeure alors le fait qu’à l’époque du « billet d’avion », il avait dit à ses amis qui s’appliquaient à faire campagne pour lui, à « penser » et à travailler discrètement à l’élection, que s’ils l’élisaient, il accepterait l’élection, qu’il nettoierait vigoureusement le Vatican et qu’il se garderait bien de prendre un café dans le Palais papal (prévoyant déjà de résider ailleurs).
En réalité, la question posée se référait clairement aux déclarations faites à L’Espresso – un magazine lié à la Repubblica et appartenant au même groupe éditorial – par l’un de ses confrères du Sacré Collège, le Cal. Barbarin (29 octobre 2013). Selon le cardinal français, le cardinal Bergoglio aurait été élu sur la base d’une intervention selon laquelle il aurait « dit textuellement » : « J’ai l’impression que Jésus a été enfermé à l’intérieur de l’Église et qu’il frappe parce qu’il veut sortir, il veut s’en aller ». Ces déclarations d’un cardinal électeur, attribuées à celui qui siège sur le trône de Pierre et présentées expressément à la revue comme étant littérales – bien qu’en contraste direct avec certaines de ses homélies en tant que Pape -, ne sont pas faciles à interpréter et de toute manière ne correspondent pas à l’idée d’une expansion missionnaire de l’Église du Christ lui donnant de nouveaux enfants. Ces affirmations sont parues sous le titre : Pape Bergoglio : le Christ veut sortir de l’Église. De fait, elles ont été comprises par la rédaction, par de nombreux lecteurs, comme une légitimation de la vieille revendication hérétique et maçonnique de séparer le Christ de son Église ; laissant penser tranquillement ainsi qu’on peut rester avec le Christ tout en s’obstinant à refuser « ce qui est propre au Christ », comme le disait saint Ambroise.
Peut-être, cet article a-t-il un goût de rappel et d’avertissement, c’est-à-dire de pression sur l’élu ? Quoi qu’il en soit, curieusement, le protagoniste de ces signaux probables est le même groupe éditorial qui a accueilli le célèbre Diario del Conclave (le Journal du Conclave, Ndt), duquel a émergé le rôle important du Cal. Bergoglio en tandem avec un journaliste du mouvement Communion et Libération. En outre, des journalistes du mouvement Communion et Libération de Rome (dont l’une aurait déjà fait carrière), ainsi que certains ecclésiastiques appartenant à un courant ecclésial bien défini et correspondant précisément aux référents ecclésiastiques de ce groupe éditorial, ont travaillé dans le plus grand secret à la candidature du Cal. Bergoglio. Certains d’entre eux ont pensé soutenir l’ami de Don Giacomo Tantardini, prêtre romain de Communion et Libération, les autres – du moins ceux qui l’ont clairement annoncé – ont pensé s’opposer à la candidature du « papabile » de Communion et Libération le Cal. Scola. Tout comme, selon certaines déclarations, certains ont pu comprendre que « la publicité aurait changé mais que le produit serait resté le même » et d’autres – même au sein de l’Église – ont pu comprendre qu’il en émergerait « une nouvelle Église » – bien que d’une manière oscillante et à la limite aussi dissimulée que nécessaire dans l’esprit d’un « retour » du Cal. Martini.
Alors qu’un homme de curie puissant et de longue date comme le Cal. Sodano, qui s’était montré tout sauf enthousiaste à l’égard du précédent Conclave (supposant en privé que le Pontificat de S.S. Benoît XVI ne serait pas long), puis, étrangement, avait célébré les funérailles de Don Tantardini, dressait un portrait parfait de l’Archevêque de Buenos Aires dans l’homélie de la Sainte Messe Pro eligendo Romano Pontifice. Alors qu’un autre prélat avait prédit des mois plus tôt ce qui, en substance, s’est réellement passé : le pape Ratzinger ne passerait pas Noël 2012. Alors que la campagne Vatileaks, précédant le retrait du Pontife qui a rendu possible ce nouveau Conclave, et à laquelle – connexion curieuse et récurrente – les organes de ce même groupe éditorial ont fortement fait écho, semble s’être arrêtée (du moins pour l’instant) comme par enchantement. Éminence, au lieu de « trop » se réfugier derrière l’Esprit Saint, combien de choses y-aurait-il à clarifier !
Après avoir évoqué les questions historiques, ne négligeons surtout pas les questions doctrinales. Dans la tendance à une sorte de refondation de l’Église, édifiée hier sur Pierre et aujourd’hui sur Simon (un glissement qui, évidemment, ne sera jamais complet, nous le savons bien, mais qui, entre-temps, peut être nuisible et radicalement trompeur), nous relevons en particulier, avec une certaine inquiétude, trois points spécifiques. Par conséquent, après avoir attendu dans le calme et la prière, et en prenant au sérieux certaines déclarations générales vibrantes du Pape Bergoglio, qui, lorsqu’elles sont appliquées, nous amènent tous à traiter ces questions, nous présentons ces points – dans un esprit de parrhesia évangélique – à Votre Éminence en raison de Votre fonction, et aussi pour que Vous puissiez éventuellement les présenter à Sa Sainteté François. Nous pensons, en conscience, que de cette manière nous ne serons certainement pas des courtisans (phénomène qui, comme le népotisme, ne semble pas se limiter à la Curie Romaine des temps récents).
1) Dans Evangelii gaudium n° 253, par exemple, le Pape François prend soin de déclarer expressément l’exclusion des « odieuses généralisations », négatives envers les musulmans (avec un jugement d’ailleurs largement bienveillant sur l’Islam). Cependant, vis-à-vis des catholiques appartenant à la typologie de ceux qui n’ont pas voté pour lui au conclave et dont le profil ne correspond ni à sa formation personnelle ni à sa sensibilité ni aux expériences antérieurs à son élection, le souci d’apporter des éclaircissements pour exclure les « odieuses généralisations » ne s’est pas manifesté (cf. Evangelii gaudium n° 94 et 95, et encore plus en diverses autres occasions). Au contraire : à plusieurs reprises, il a eu des mots méprisants, durs et nous dirions presque violents à l’encontre de certains catholiques ; parfois même du sarcasme. Sans compter d’autres phrases, pour lesquelles on se demande parfois où était le Cal. Bergoglio au cours des dernières décennies, qui sont des expressions, indépendamment de l’intention, que certains milieux influents peuvent facilement utiliser (en sélectionnant parmi certaines déclarations ambivalentes) : non seulement contre certains catholiques qui ne sont pas des disciples de Bergoglio, contre des catholiques qui ne partagent pas le martèlement de certains slogans devenus une idéologie intouchable, mais – et c’est ce qui est particulièrement inquiétant – contre certains thèmes, contre certaines instances.
En ce sens, nous constatons que le même document prend soin de citer le célèbre passage (usé et abusé, même selon le témoignage de S.S. Jean Paul Ier) de S.S. Jean XXIII sur les « prophètes de malheur » (n.84), mais omet les déclarations pontificales de teneur opposée, y compris les plus récentes moins connues qui comprennent une certaine autocritique, jusqu’aux larmes.
2) Une certaine tendance épiscopalienne, assez marquée est également préoccupante. Après son auto-présentation depuis le balcon de Saint-Pierre de Rome avec pour seule carte de visite son titre d’évêque de Rome répété à trois ou quatre reprises dans ce bref discours (certains se sont d’ailleurs immédiatement demandés s’il s’agissait d’un signe pour quelqu’un) ; après son éloge lors de son premier Angélus du cardinal Kasper (tout en mentionnant aussi la Vierge pèlerine de Fatima et le confessionnal), cardinal dont il loue non seulement un livre, mais sa théologie en générale et qui est l’un des principaux représentants de la tendance épiscopalienne. Et maintenant cette tendance est favorisée par la décentralisation préconisée aussi par Evangelii Gaudium.
Il est vrai que pendant qu’il disait ces choses, le Pape Bergoglio (ou celui qui faisait ça à sa place) n’a pas manqué de donner des ordres. Mais il est également vrai que (par exemple) un important vaticaniste, absolument favorable à cette tendance en question, a pu commenter avec une satisfaction factieuse : par une décentralisation de ce genre, concernant même les compétences doctrinales, une Conférence épiscopale particulièrement progressiste aura la voie ouverte pour – par exemple – changer dans les faits la position de l’Église sur les » divorcés remariés « . Voilà les attentes qui, quel que soit le résultat final, sont entre-temps encouragées !
Ce n’est pas suffisant. En fait, nous trouvons déjà un programme de décentralisation étendue dans le magazine du Grand Orient de France, L’Humanisme. Et nous imaginons que le cœur salésien de Votre Eminence va sursauter en repensant à cette phrase de Saint Jean Bosco : la Franc-Maçonnerie, c’est-à-dire le diable. Dans le numéro de mai-octobre 1968, cette revue parle, avec une grande franchise, d’une sorte de « révolution copernicienne », d’une « révolution gigantesque dans l’Église » qui porte déjà en elle, (pour ses ennemis), « le prélude de la victoire ». En effet, outre l’éloge du processus de désacralisation, on peut lire : « Lorsque les structures traditionnelles s’effondreront, tout le reste suivra. […] Ce n’est pas la guillotine qui attend le Pape, mais ce sera l’établissement d’Eglises locales, qui s’organiseront démocratiquement et refuseront de reconnaître les frontières entre clercs et laïcs, qui construiront leurs propres dogmes et vivront en totale indépendance de Rome. […] Le Vatican ne pourra plus contrôler les mouvements d’un grand corps que l’on croyait homogène… Le temps ne serait-il pas venu de revenir aux Eglises « nationales » ? Que le Pape ne s’attende pas à la guillotine car notre époque est devenue plus humaine; mais les « Églises locales » attendent cela, et il lui faudra trouver un accord avec elles. Il serait facile de rappeler certains épisodes du passé, comme l’Église gallicane par exemple. Une fois l’évolution terminée, le pape deviendra superflu, puisque les Églises locales « vivront en pleine indépendance par rapport à Rome ». C’est donc la guillotine, mais sous une autre forme : l’anéantissement ! ». On touche ici, volontairement ou non, à la Constitution divine de l’Église; et l’esprit se porte sur le fruit de la décentralisation épiscopale orthodoxe historique : sa faiblesse structurelle, par exemple face au pouvoir mondain. Votre frère dans l’épiscopat, Mgr Rudolf Graber, commente dans son livre Saint Athanase et l’Église de notre temps (p. 81) : « Nous savons maintenant à quoi nous avons affaire. Le « plan de Lucifer » nous a été clairement et ouvertement révélé ».
3) Les discours répétés contre le prosélytisme (sans que son sens exact soit clairement défini) inquiètent. Il ne fait aucun doute que si l’on entend par ce mot la mise en œuvre de l’apostolat avec des méthodes indignes (par exemple, celles que des laicistes comme Eugenio Scalfari appellent les méthodes jésuites), nous sommes tous d’accord. Cependant, comme l’a reconnu avec embarras un évêque dans sa revue diocésaine, ce que la multitude a compris de l’apparente interview à La Repubblica c’est qu’il n’y a pas besoin de se convertir au catholicisme (interview probablement mal rapportée, mais en fait c’est le message qui est passé; alors nous demandons : le Pape n’est-il pas obligé, par strict devoir d’état, d’agir – justement humblement – avec une grande prudence ?). Le message passé indique tout au plus souhaitable de se convertir au catholicisme, pour certains, mais pas nécessaire (une option). N’est-ce pas cela, au sens évangélique du terme, un scandale ? Les Apôtres, le premier Pape dans son discours paradigmatique, Saint François au Sultan, ont-ils parlé de manière à ce que leurs interlocuteurs puissent comprendre cela ? […] Comment pourrait-il être fidèle aux paroles divines « euntes docete » ? Qu’en est-il de cette phrase divine « celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » ? […] Qu’est-il advenu de l’avertissement répété du Saint-Esprit selon lequel « si tu ne l’as pas averti de sa ruine, c’est à toi que je demanderai des comptes » ? […] Qu’advient-il dans ce contexte de deux œuvres de miséricorde, vraiment de miséricorde, telles que l’instruction des ignorants et l’admonition des pécheurs ? […].
4) Enfin, relisons quelques passages des lettres de saint François d’Assise, le saint précisément dont Bergoglio porte le nom.
Lettre à tous ceux qui ont des charges publiques : « Souviens-toi et pense que le jour de la mort approche. Je vous supplie donc, aussi respectueusement que je le peux, de ne pas oublier le Seigneur, pris que vous êtes par les soucis et les préoccupations du monde. Obéissez à ses commandements, car tous ceux qui oublient le Seigneur et se détournent de ses lois sont maudits et seront oubliés par lui. Et quand viendra le jour de la mort, toutes ces choses qu’ils pensaient avoir leur seront enlevées. Et plus ils sont savants en ce monde, plus ils auront à souffrir les peines de l’enfer […] Vous êtes tenus de donner au Seigneur tellement d’honneur parmi le peuple qui vous est confié, que chaque soir vous fassiez annoncer, au moyen d’un héraut ou de quelque autre signe, que des louanges et des remerciements soient rendus au Seigneur Dieu tout-puissant par tout le peuple. Et si vous ne le faites pas, sachez que vous aurez à en rendre compte à Dieu devant votre Seigneur Jésus-Christ au jour du jugement ».
Lettre aux fidèles laïcs, sur celui qui ne suit pas le Christ : « Ils sont prisonniers du diable… ils voient et reconnaissent, connaissent et font le mal, et perdent sciemment leurs âmes. Car celui qui meurt en état de péché mortel… le diable enlève son âme… et ils iront en enfer où ils seront tourmentés éternellement ».
Lettre aux prêtres : « Rendez le plus grand honneur au Corps et au Sang très saints de notre Seigneur Jésus-Christ ». Parfois au contraire « le Corps du Seigneur est placé et laissé dans des lieux indignes, il est transporté sans aucun honneur et reçu sans les dispositions dues et administré sans révérence ».
En les lisant, nous pensons avec tristesse : quand ces avertissements résonnent-ils dans le monde catholique d’aujourd’hui ? Quand le pape François sera-t-il lui aussi François en confessant ces vérités, en avertissant le troupeau (actuel et potentiel) des dangers comme l’enfer, tellement graves et tellement perdus de vue aujourd’hui ? Le Seigneur ne dit-il pas, sans circonscrire cela « ad intra« , que si tu ne l’a pas averti (la lumière ne se met pas sous le boisseau !), de sa mort, à toi je te demanderai d’en rendre compte ?
Votre Éminence, c’est par amour pour l’Église que nous Vous avons écrit […].
Mais nous constatons aussi certains efforts récurrents et massifs d’instrumentaliser le Vicaire du Christ : La Repubblica et Famiglia Cristiana ont ouvertement loué, au nom de ce Pape, « une nouvelle Église » (à leur image et à leur ressemblance), exaltant Simon et humiliant Pierre. Cette position est exactement l’opposée de celle de ce Pape [Pie II, Ndt] qui a été humble non pas en refusant, au milieu des applaudissements du monde, les « oripeaux » qu’il trouvait présents pour la fonction qu’il occupait, mais en disant, avec sa bouche et avec des faits : « Aeneam reicite, Pium recipite »; comme l’a fait aussi notre bienheureux Pie IX, sacrifiant comme Pape avec humilité certaines de ses vues, certaines de ses orientations de Cardinal. Un organe officiellement catholique en vint à titrer, idéologiquement et factieusement : « Martini Papa » [le Cardinal Martini a été élu Pape, Ndt]. Et nous ne pouvons pas ne pas penser (car nous serions en train de renier la raison contre l’Évangile et contre le Magistère) que certains actes et certaines paroles de celui qui est maintenant assis sur le Seuil de Pierre, certaines ambiguïtés et imprudences objectives, ont pu favoriser des instrumentalisations aussi importantes.
Comme lorsqu’il a fait le large éloge, mentionné ci-dessus, du Cal. Kasper élevé à la pourpre par un récent prédécesseur avec des réserves pontificales contenues dans une lettre d’admonestation et portant précisément sur sa théologie, ce qui est inhabituelle.
De nombreuses personnes se rendent compte que l’Église, même si elle ne peut pas le dire immédiatement et ouvertement, change de position sur des questions telles que les « divorcés remariés ». Qui répond devant Dieu du mal fait en laissant passer un tel message dans la réalité ? Et si les familles en crise qui ont essayé de tenir bon, quoique assiégées par les tentations, en trouvant ouverte la « voie large » de l’autojustification, considéraient que, finalement, même l’Église dit maintenant qu’il ne faut pas être si rigide… ? Que ce n’est pas certes une chose idéale, mais qui est sans péché ? Et si certaines personnes qui vivent publiquement et en permanence dans le péché, même si elles entendent y rester, se sentaient autorisées à s’approcher des sacrements de la confession et de l’eucharistie, en trouvant peut-être des prêtres qui interprètent certains discours d’actualité comme on peut l’imaginer ? C’est-à-dire donner à Notre Seigneur Jésus-Christ « certainement la plus grande douleur, celle qui transperce le plus son cœur » (Via Crucis au Colisée du 25 mars 2005) ! Celui qui est responsable, activement ou passivement, de toute cette montée du mal, du mal aux âmes et du mal comme profanation des Sacrements, n’a-t-il pas à craindre – selon les mots de Sainte Catherine de Sienne – le Jugement divin ? […].
Prions donc de tout cœur pour que le Pape jésuite puisse montrer, avec des faits sans équivoque et malgré le premier Consistoire, qu’il n’est pas indûment conditionné soit par ses opinions et attitudes très personnelles, soit par certains de ses « grands électeurs ».
Et si on laisse parler d’une « révolution de François », la révolution de la transparence au Vatican ne serait-elle pas une belle révolution – pour ainsi dire – bien qu’elle ne soit peut-être pas applaudie par le monde et les puissances mondiales?
Par exemple, la publication du soi-disant quatrième secret de Fatima (même sans le reconnaître, si l’on a des doutes sur sa pleine et exacte authenticité surnaturelle : ce ne sont pas que des « coups de bâtons », ce texte a été condamné à la prison à vie !), puisque, en outre, des « experts argentins de Fatima », et pas seulement eux, ont pu sortir des entretiens et des échanges avec l’Archevêque de Buenos Aires en ayant l’impression qu’il était d’accord avec eux.
Par exemple, l’abolition, et pas seulement pour l’avenir, du secret du Conclave. Une réforme préconisée par ce grand expert le Cal. Siri, ainsi que d’autres changements : mettre main à la réforme postconciliaire de la Curie, précisément celle actuellement en vigueur. Cette proposition de révision a été paradoxalement combattue, malgré une certaine faveur déclarée de S.S. Jean-Paul II, précisément par les grands noms du progressisme curial : cf. entre autres Il Papa non eletto, Laterza 1993, pp. 288-289.
Avec nos pauvres prières, prosternés en embrassant la Pourpre Sacrée,
Lettre signée