Et sa proximité avec la Franc-maçonnerie?
25 janvier 2022, Conversion de saint Paul
Couverture de Franc-Maçonnerie Magazine n° 26, Sept.-Oct. 2013
Il n’est pas dans l’esprit de notre revue d’alimenter ou de diffuser les discours morbides de la presse concernant certaines faiblesses personnelles du clergé au sujet desquelles, lorsqu’elles sont avérées, la sage position de Saint Jean Bosco devrait être prise en compte. Cependant, pressé par un de nos lecteurs concernant une histoire passée admise par le Cardinal Jean-Pierre Ricard, influent président de la Conférence Épiscopale Française pendant des années, nous pensons qu’il est un devoir de proposer des éléments de réflexion. On sait que la presse mondano-maçonnique, aime amplifier de manière démagogique les affaires concernant le sixième commandement lorsqu’elles touchent le clergé alors qu’elle adopte une position ultra-libertine lorsque des quidams en sont les protagonistes. Récemment, elle a souillé l’image de l’Église de France, également en proie à d’autres scandales par un martèlement médiatique dépassant largement la réalité.
Il est évident que certains actes, lorsqu’ils sont avérés, ont une réelle gravité morale intrinsèque. Il est également vrai que tant que quelqu’un ne se charge pas de les diffuser, ils n’impliquent pas nécessairement un scandale public… A cet égard, un certain monde médiatique catholique, voire traditionnel, apparemment soumis à des critères mondains et conformistes doit être réprimandé pour le plaisir qu’il trouve dans la dénonciation des scandales impliquant des autorités de tendance moderniste. À notre avis le débat doit rester sur le plan doctrinal, puisque l’autre est glissant ; d’ailleurs que celui qui se tient debout prenne garde de ne pas tomber… aucun milieu n’est exempt des conséquences du péché originel et il est très peu chevaleresque de fixer le niveau de la confrontation sur ce plan. D’autant plus que ces questions-là sont déjà largement montrées du doigt par l’opinion publique, alors qu’ailleurs l’oubli règne.
Malheureusement, le puritanisme hypocrite des protestants et de la culture anglo-saxonne qui nous domine désormais a également déformé la façon de penser de ceux qui se croient de mentalité traditionnelle, en plaçant au premier rang les péchés contre le sixième commandement (ou plutôt certains des péchés contre le sixième commandement). Personne ne croit désormais qu’il existe des péchés contre la foi. Le protestantisme et le catholicisme moderniste en effet, avec leur subjectivisme, considèrent qu’un « comportement inapproprié » (et il semble qu’en fin de compte ce soit le cas de l’accusation portée contre le Cardinal) est plus grave que la négation d’une vérité de foi. Si chacun est libre de construire sa propre foi, tous les concepts qui y sont liés sont relatifs et subjectifs, on ne peut même plus parler de péché contre la foi.
Il est évident, dans la perspective catholique traditionnelle, que les actes contre le sixième commandement sont graves, mais il devrait être tout aussi évident que les péchés contre la foi sont gravissimes. Si les premiers se limitent souvent à des affaires privées avec un scandale circonscrit, les seconds – surtout dans le clergé ou le haut clergé – comportent presque toujours un aspect de gravité publique, de scandale généralisé, de corruption du depositum fidei, de la plus grande gravité pour un Cardinal. D’autant plus que, si les premiers peuvent être imputés à la faiblesse, à une chute occasionnelle ou à la surprise, les seconds impliquent généralement préméditation et réflexion.
Que ces distinctions soient difficilement accessibles aux hâbleurs de la presse libéralo-maçonnique, ou qu’ils se vautrent délibérément dans la boue pour nuire à l’Église, n’est guère surprenant. Il est surprenant que les ragots scandaleux parviennent, sous prétexte de « transparence », à influencer et même à conditionner la pensée catholique à la recherche d’une utopique et inexistante « impeccabilité du clergé ». En revanche, on se moque sans aucune honte des questions principales, celles qui ont trait à la doctrine de la foi !
C’est ainsi que les plus hautes autorités ecclésiastiques ont agi – stimulées par les journaux et la pensée dominante – avec une sollicitude totalement inhabituelle lorsque les affaires sont d’un autre ordre.
Mais où étaient-ils ces ecclésiastiques érigés en juges très sévères et en gardiens inflexibles de la morale lorsque le Card. Ricard a révélé publiquement sa participation à des séances maçonniques ? En tant que Cardinal en plus ! Nous ne parlons pas d’une erreur commise par un jeune prêtre, pour laquelle – après des décennies – il aurait même eu droit au pardon et à l’oubli, mais d’un scandale public en matière gravissime, passible même d’excommunication dans l’ancien code de droit canonique !
Existe-t-il, oui ou non, une hiérarchie des péchés ? Y a-t-il des péchés « graves » et des péchés « gravissimes » ? Est-ce l’opinion publique la source de cette hiérarchie ? En réalité, on ne se déchaine que contre les péchés « graves », qui de plus datent de cinquante ans et sont incertains, mais on ne prend pas de mesures contre les « gravissimes », qui sont publics, récents et sans équivoque, mais qui jouissent des applaudissements médiatiques. Ainsi en est-il de la participation à une « tenue blanche » de la Franc-maçonnerie.
Les péchés contre la foi, oui ceux-là, sont « gravissimes » pour un prélat, avec leur aspect souvent prémédité et moins passionnel que d’autres faiblesses moins contrôlables. Mais surtout parce qu’ils touchent un objet – la foi justement – qui est au sommet, qui est suprême, qui est la richesse la plus précieuse à défendre dans l’Église. Quand Son Éminence Révérendissime le Cardinal Ricard s’est rendu à une « tenue blanche » de la Franc-maçonnerie – la Contre-Eglise selon les Papes – comme l’a rapporté Franc-Maçonnerie Magazine ( n° 26, Sept.-Oct. 2013, p. 22), scandale dénoncé dans notre article du 22 février 2014, nous n’avons pas connaissance que le chœur des évêques de France ou les autorités du Saint-Siège aient bougé pour faire justice et condamner le coupable à une abjuration publique et à une demande tout aussi publique d’excuses au peuple scandalisé, comme ils l’ont exigé et obtenu pour l’affaire révélée récemment.
Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence une question qui traverse notre esprit et celui de certains lecteurs : quelle nécessité y a-t-il d’aller dans une loge quand on est libre de tout conditionnement ? Est-ce toujours un libre choix de fréquenter certains cercles ? Est-ce parfois une nécessité de se lier d’amitié avec eux, les premiers informés « d’erreurs de jeunesse » de prêtres devenus par la suite évêques et cardinaux ? Et qui peut-être – en espérant que ces cas soient limités -ont-ils été promus à des postes de responsabilités précisément parce que contrôlables ?
C’est peut-être une coïncidence, le Card. Ricard se vit confier le rôle décisif de « Cardinal-Conseil » dans ce qui avait toutes les apparences d’une « mise sous commissaire permanent » de l’IBP. Dans quelle mesure, ses choix, non seulement sur ce point que nous connaissons si bien, mais aussi sur bien d’autres dossiers délicats de l’Eglise de France ont-ils été réellement libres ?
Nous répondons donc à nos lecteurs en soulignant plusieurs aspects : la gravité de la crise dans l’Église – et malheureusement pas seulement dans le milieu ouvertement moderniste – est telle que les péchés contre la foi, qui dans les cas graves mériteraient une excommunication immédiate et une réduction à l’état laïc, sont réduits à des « sensibilités différentes » ou tout au plus à des « initiatives pastorales inopportunes », mais on ne voit ni sanctions ni même de réprimandes. Certains péchés contre le sixième commandement, vieux de nombreuses années et parfois d’une portée douteuse comme ceux reprochés au Card. Ricard sont devenus impardonnables pour des décennies. Ce sont aujourd’hui les seuls pour lesquels l’autorité ecclésiastique est capable de présenter des excuses, marquant ainsi sa soumission « aux maitres du discours » qui, non seulement dirigent les médias, mais indiquent aussi à l’Église quels sont les péchés graves à punir et les péchés gravissimes à déclassifier.
C’est le plein triomphe du subjectivisme dans la foi. Et dans la morale. Dans la foi, puisqu’en rejetant l’objectivité des dogmes à croire, en épousant l’immanentisme le plus éhonté, en minimisant l’importance de la matière doctrinale, on ne conçoit plus la gravité d’un péché contre une vérité révélée par Dieu. Subjectivisme dans la morale, car notre monde est devenu incapable de traiter l’agir humain selon une hiérarchie objective à l’égard de la plus ou moins grande gravité d’un acte. Dans l’analyse, on se laisse influencer par le pilonnage médiatique, qui nous pousse vers un puritanisme à l’américaine et un indifférentisme moderniste dans les vérités de la foi et de la loi naturelle. Cela, oui, c’est grave, même mieux gravissime. Cela crie vengeance aux yeux de Dieu.
La Rédaction de Disputationes Theologicae