[Cercle Saint Robert Bellardin] Affaire Huonders

Lettre ouverte à M. l’abbé Benoît de Jorna Supérieur du District de France pour la FSSPX

Abbé Nicolas Pinaud, le 13 avril 2023, saint Herménégilde.

Lettre ouverte à M. l’abbé Benoît de Jorna
Supérieur du District de France pour la FSSPX

Monsieur l’abbé,

Au séminaire de Flavigny, pendant trois années d’études, il y a déjà plus de trente ans, votre enseignement clair, net et précis, sans ambiguïté ni concession, enthousiasma ma jeunesse lévitique.
C’est vous qui avez guidé mes pas dans la découverte de l’école antilibérale et je ne vous remercierai jamais assez d’être devenu, modestement, par votre intermédiaire, un intime familier des œuvres de l’évêque de Poitiers et de quelques autres.
Je vous dois également cette nomination au Pays basque où j’ai passé quinze très belles années sacerdotales si enrichissantes.
Cette lettre pourrait paraître irrespectueuse. Ce n’est pas mon intention. Il y a quelques années, vous vous étiez permis d’affirmer discrètement que mon attitude n’était pas motivée par des raisons doctrinales. Je vous l’avais reproché parce que c’était faux, tout simplement.
La lettre d’aujourd’hui, au cas où vous en douteriez, est uniquement inspirée par des motifs doctrinaux. Elle est ouverte, ce qui évite de l’ouvrir et ce qui permettra à d’autres, parce qu’elle est ouverte, d’en prendre connaissance.

Depuis quelques temps, des confrères me disent ou me font dire : « Vous êtes parti trop vite. C’est vrai que la situation fut critique en 2012-13, mais les choses se sont rétablies. Aucun accord n’a été signé et il n’en est plus question. »
Le temps des Mémoires n’étant pas arrivé, je ne dirai rien, aujourd’hui, du sort qui me fut réservé.
Mais ces paroles sont-elles bien conformes à la réalité ?
Ne serait-ce pas oublier des innovations importantes, telle que la juridiction de l’Ordinaire conciliaire imposée aux prêtres de la FSSPX, pour l’administration du mariage à partir de 2017 ? Vous-même auriez affirmé qu’il ne s’agissait là que d’un chiffon de papier, mais j’ai pu constater que vos paroles ne sont pas en adéquation avec votre agir.
Ne serait-ce pas oublier encore que les absolutions sont administrées également sous le régime de cette même juridiction conciliaire ?
Après sa signature du 5 mai 1988, Mgr Lefebvre avait reconnu qu’il était allé trop loin. Mais à lire son dernier ouvrage Pour l’amour de l’Église publié en 2019, Mgr Fellay semble n’avoir qu’un regret : celui de n’avoir pas conclu un accord en 2012.
Ce qui fit beaucoup de bruit par le passé s’est poursuivi plus silencieusement ces dernières années. Seuls ceux qui prennent leur rêve pour la réalité peuvent affirmer que la situation s’est rétablie. Il me semble plutôt que la FSSPX ne cesse de reculer.

Une nouvelle étape a été franchie le Jeudi-saint dernier, 6 avril 2023, à l’occasion de la cérémonie de consécration des saintes Huiles au séminaire d’Allemagne de la FSSPX par Mgr Huonder, un évêque ordonné prêtre et sacré évêque dans le rite réformé. Je ne vous apprends rien. Si les discussions doctrinales ont pu paraître abstraites et peu accessibles à certains, la consécration des Huiles n’est-ce pas le « choc du concret » ?

Un peu d’histoire.
Qu’un évêque conciliaire rejoigne la fraternité n’est pas une nouveauté. Dans l’éditorial du n° 113 de Fideliter de sept.-oct. 1996 p. 3, vous faisiez part à vos lecteurs d’une « joie immense », celle d’avoir accueilli Mgr Salvador Lazo aux ordinations du 27 juin à Écône : « À Écône, le 27 juin, nous avons eu la joie immense d’accueillir Mgr Salvador Lazo, évêque émérite de San Fernando de la Union, aux Philippines. À la fin de sa Lettre ouverte aux catholiques perplexes, Mgr Lefebvre écrivait : « Même s’il se tait aujourd’hui, l’un ou l’autre des évêques recevra du Saint-Esprit le courage de se dresser à son tour. » Mgr Lazo est le premier, il ne sera pas le dernier à rejoindre le combat de la Tradition. Et si un seul évêque ne fait pas toute l’Église, pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps, cette venue manifeste que notre combat commence à pénétrer même les plus hautes sphères de l’Église. »
L’attitude de Mgr Lazo fut, en effet, sans équivoque. Sa Déclaration de foi du 21 mai 1998 adressée à Jean-Paul II et sa Lettre ouverte au Cardinal Sin le 17 mai de la même année en font preuve. Ces deux interventions publiques confessaient la Foi catholique et dénonçaient les erreurs modernes. Sa conversion était évidente mais elle ne réglait pas pour autant toutes les difficultés. Pourquoi Mgr Lazo n’a-t-il jamais ordonné un seul séminariste de la FSSPX ? Tout simplement parce son sacre, le 3 février 1970, dans le rite réformé, était alors jugé douteux par les autorités de la FSSPX.
Malgré ses interventions remarquées, la situation de Mgr Vigano, aujourd’hui, n’est pas différente de celle de Mgr Lazo, hier.

En relisant, ces derniers jours, la citation que vous faisiez en 1996 de cette Lettre ouverte aux catholiques perplexes parue en 1985, celle-ci me parut très imprécise et insuffisante. Mgr Lefebvre avait dit : « Il se trouvera de par le monde, je le sais, suffisamment d’évêques pour ordonner nos séminaristes. Même s’il se tait aujourd’hui, l’un ou l’autre de ces évêques recevrait du Saint-Esprit le courage de se dresser à son tour. »
L’espérance de Mgr Lefebvre ne se réalisa pas, c’est pourquoi il se résolut à sacrer le 30 juin 1988 pour permettre l’ordination des séminaristes de la FSSPX. Jean Madiran releva ces propos de la Lettre ouverte aux catholiques perplexes et reprocha à son auteur de se contredire.

Depuis quelques jours, des confrères ont publié la copie d’un courrier rédigé en anglais et daté du 28 octobre 1988 que Mgr Lefebvre adressait à un certain M. Wilson, aux sujets de prêtres conciliaires qui rejoignaient la Tradition : « (…) Je suis d’accord avec votre désir que ces prêtres soient réordonnés sous condition et j’ai fait de telles réordinations un certain nombre de fois. Tous les sacrements des évêques et prêtres modernistes sont maintenant douteux. Les changements se multiplient et leurs intentions ne sont désormais plus catholiques.
Nous sommes dans le temps de la grande apostasie. (…) »
Ce document privé ne manque pas d’intérêt, mais je lui préfère ces paroles publiques et solennelles de Mgr Lefebvre, lors de son homélie, à l’occasion des Sacres du 30 juin 1988 : « Vous savez mes bien chers frères, vous savez qu’il ne peut y avoir de prêtres sans évêques. Tous ces séminaristes qui sont ici présents, si demain le bon Dieu me rappelle, et ce sera sans doute sans tarder, eh bien, ces séminaristes, de qui recevront-ils le sacrement de l’ordre ? Des évêques conciliaires, dont les sacrements sont tous douteux parce qu’on ne sait pas exactement quelles sont leurs intentions ? Ce n’est pas possible. Or quels sont les évêques qui ont gardé la Tradition, qui ont gardé les sacrements tels que l’Église les a donnés pendant vingt siècles jusqu’au concile Vatican II ? Eh bien c’est Mgr De Castro Mayer et moi-même. Je n’y peux rien mais c’est comme ça. »  ?

En 1998, les Autorités de la FSSPX n’avaient pas oublié ces paroles que le Fondateur avait prononcées dix ans plus tôt.
Dans un courrier de Mgr Tissier de Mallerais, daté du 12 août 1998, nous lisons :
Menzingen, le 12 août 1998
Cher Père,
Merci de m’avoir envoyé copie de la plaquette du Dr. Rama Cosmaraswany « Le drame anglican ».
L’ayant lu rapidement, j’en conclus à un doute sur la validité des sacres épiscopaux conférés selon le rite de Paul VI.
Le « spiritum principalem » de la forme introduite par Paul VI n’est pas suffisamment clair en lui-même et les rites accessoires ne précisent pas sa signification dans un sens catholique.
Pour ce qui regarde Monseigneur Lazo, il nous serait difficile de lui expliquer ces choses ; la seule solution est de ne pas lui demander de confirmer ni d’ordonner.
Votre bien dévoué en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
† Bernard Tissier de Mallerais

P.S. Dernière minute, Mgr Lazo a déjà confirmé « pas mal » chez nous ! c’est évidemment valide par la suppléance de l’Église (can. 209), puisqu’un simple prêtre confirme validement avec juridiction. Et on ne voit pas comment faire observer notre doute à Mgr Lazo. Donc silence et discrétion sur ce thème, S.V.P. !

À lire le post-scriptum de cette lettre, il semble bien que Mgr Tissier de Mallerais n’aurait pas été favorable à ce que Mgr Lazo administre le sacrement de confirmation. Il n’émet cependant pas de doute sur ces confirmations administrées par Mgr Lazo parce qu’il est certain de son sacerdoce, reçu dans le rite traditionnel, par un évêque sacré dans le rite traditionnel. Mais il paraît évident que Mgr Tissier de Mallerais n’envisage pas la possibilité, pour Mgr Lazo, de conférer les Ordres ni de consacrer les saintes Huiles.
Soit dit en passant, j’ai toujours été surpris de l’exigence de ce « silence et de la discrétion » mentionnée dans ce post-scriptum, parce que la lecture de la Déclaration au Pape et la Lettre ouverte au Cardinal Sin, laisse supposer que Mgr Lazo n’aurait pas été hostile à une consécration épiscopale sous condition…

La Fraternité Saint Pie X a-t-elle aujourd’hui les mêmes doutes et conserve-t-elle la même attitude et les mêmes dispositions qu’elle eut vis-à-vis de Mgr Lazo, il y a vingt-cinq ans ?

La présence de Mgr Huonder dans une maison de la FSSPX permet de répondre facilement à cette question.
Les inquiétudes que certains avaient émises à la perspective de cette présence épiscopale conciliaire dans la FSSPX ne sont pas si anciennes.
Ces inquiétudes ont-elles été apaisées ?
Le communiqué assez ambigu de la Maison Générale, co-signé par le Supérieur Général et par Mgr Huonder, qui annonçait l’arrivée de ce dernier dans une maison de la FSSPX, déclarait le 20 mai 2019 : « … Le seul et unique but de cette démarche est de se consacrer à la prière et au silence, de célébrer exclusivement la messe traditionnelle, et d’œuvrer pour la Tradition, unique moyen de renouveau de l’Église. » …
La « prière et le silence » c’est une chose mais que signifiait : « œuvrer pour la Tradition », quand on sait que Mgr Huonder s’était retiré avec l’accord de François dans la perspective d’aider à la régularisation de la FSSPX ?
À ma connaissance Mgr Huonder n’a pas imité, à ce jour, l’exemple de Mgr Lazo. Je ne lui connais aucune déclaration publique reniant ses erreurs et condamnant celle de Vatican II.
Depuis sa thèse de doctorat, en 1975, les relations que Mgr Huonder entretient avec les Juifs sont connues. Nul n’ignore que Mgr Huonder est à l’origine de ce « dies judaicus – le jour du peuple juif » instauré dans l’église suisse le 2ème dimanche de carême. Pour Mgr Huonder, il semble bien que la première Alliance n’a pas été abrogée par l’incarnation du Christ. C’est un scandale. Scandale qui n’a jamais fait, autant que je le sache, l’objet de la moindre rétractation, ne parlons pas de réparation.
Le 6 avril dernier à Zaitkofen, les huiles étaient certainement d’olives. Étaient-elles casher ?

Cette situation ambigüe motiva le départ de M. l’abbé Rousseau que vous aviez annoncé par un bref message aux confrères du District de France :
Suresnes, le 7 mai 2019

Cher confrère,
Alors que nous nous préparons à la Pentecôte pour recevoir le Paraclet afin de nous abandonner plus parfaitement à la grâce, il m’est fait un devoir de vous annoncer le départ de monsieur l’abbé Rousseau de la Fraternité. Il a déjà quitté le prieuré de Bailly pour se rendre aux côtés de monsieur l’abbé Morgan. La lettre qu’il m’a écrite juste avant de nous quitter stipule que son départ est « une question de vérité » l’arrivée, dit-il, de Mgr Huonder à Wangs, « loup dans la bergerie », lui est intolérable.
Je ne puis que regretter son départ inopiné et le recommande évidemment à vos prières.
B. de Jorna

Deux ans plus tard, M. l’abbé Rousseau pouvait répondre à la « question de vérité » puisqu’il révélera sur son site le 25 mai 2021 que « Ce qui devait arriver… » était arrivé.
Qu’était-il arrivé ?
Malgré les reproches de tordre la réalité que la Maison Générale faisait à M. l’abbé Rousseau, de toute évidence Mgr Huonder ne se livrait pas seulement à « la prière et au silence », mais l’ancien évêque de Coire confessait, enseignait le catéchisme, confirmait et même venait de pontifier pour la Pentecôte 2021 au séminaire de Zaitzkofen…
Il faut préciser que si Mgr Lazo avait confirmé validement [cf. le post-scriptum de Mgr Tissier de Mallerais] parce qu’il était certainement prêtre [ordonné dans le rite traditionnel par un évêque sacré dans le rite traditionnel], ce n’est pas le cas de Mgr Huonder qui fut non seulement sacré évêque, mais également ordonné prêtre, dans le rite réformé.

Une étape supplémentaire a donc été franchie le Jeudi-saint dernier avec la consécration des saintes Huiles qui seront utilisées par des dizaines de prêtres de la FSSPX pour l’administration des sacrements.
Est-il illégitime et téméraire de se demander quelles seront les Huiles utilisées en juin prochain pour les ordinations sacerdotales au séminaire allemand de Zaitkofen ?
Qu’est-ce qui empêcherait Mgr Huonder de célébrer désormais les ordinations sacerdotales ? Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois puisqu’il le fit le samedi 23 juin 2018 pour le compte de la FSSPierre.
J’entends certains prêtres inviter leurs fidèles à « faire confiance aux supérieurs ». Cette attitude, si peu conforme à Mgr Lefebvre, ne consiste-t-elle pas à confondre obéissance et démission ?

Est-ce tordre la réalité que d’affirmer un changement d’attitude pratique entre Mgr Lazo et Mgr Huonder de la part de la FSSPX ? Changement qui manifesterait que la FSSPX considère désormais les nouveaux sacrements comme certainement valides.
Je ne suis donc plus surpris d’entendre depuis quelques années des confrères (formés sous votre autorité au séminaire d’Écône) affirmer cela sans sourciller et, de plus, reconnaître le nouveau code de Droit Canon et la validité de la messe de Paul VI.
Que s’est-il passé ? M. l’abbé Gleize a-t-il reçu des révélations de l’Esprit-Saint ? La lumière a-t-elle frappé vos yeux et éclairé votre esprit ? En ce qui me concerne, j’ai dû manquer un épisode !
Mgr Lefebvre se serait-il trompé en affirmant : « Des évêques conciliaires, dont les sacrements sont tous douteux parce qu’on ne sait pas exactement quelles sont leurs intentions » ?
S’appuyant sur ces paroles certains disent que Mgr Lefebvre mettait en doute l’intention seule. Rien n’est moins vrai puisqu’il a confirmé sous condition des milliers de personnes en raison d’un doute sur la matière.
D’autres disent que l’administration sous condition ne fut pas systématique et que Mgr Lefebvre ne l’a pas exigée. C’est tellement vrai que Mgr Lefebvre lui-même a ordonné à Fontgombault – sous la contrainte du cérémoniaire de l’abbaye – M. l’abbé Jean-Yves Cottard, selon le rite réformé. Il a seulement procédé ensuite à un complément de cérémonie. Cette attitude laisserait supposer, qu’à cette époque, Mgr Lefebvre considérait valides la matière et la forme du nouveau sacrement de l’Ordre. C’était en 1973, quinze ans avant les sacres pendant lesquels Mgr Lefebvre affirmera : « Des évêques conciliaires, dont les sacrements sont tous douteux parce qu’on ne sait pas exactement quelles sont leurs intentions. »

Le cas du Père B., ancien moine de l’abbaye de Flavigny est intéressant. Il collabora une dizaine d’années à l’apostolat de la FSSPX, avant d’être écarté. Voici ce que je lis dans une lettre récente de Mgr Tissier de Mallerais, datée du 20 juin 2022 :
« Le Père B., ancien moine du monastère Saint-Joseph de Flavigny ne collabore pas aux œuvres de la Fraternité Saint Pie X, parce qu’il n’accepte pas la proposition que nous lui avons faite d’être ré-ordonné prêtre sous condition, pour écarter tout doute, et toute hésitation de la part des fidèles. »
Cette observation au sujet de l’« hésitation de la part des fidèles », est intéressante mais elle ne semble pas avoir été prise en compte en ce qui concerne M. l’abbé Belwood. Ce n’est qu’un exemple.
Pour être impartial, je dois encore dire que Mgr Tissier de Mallerais, dans cette même lettre que je viens de citer, écrit : « Quant à l’ordination sacerdotale selon le rite de Paul VI, je la tiens pour valide, du fait que la forme du sacrement de l’ordre du presbytérat est la même que dans le rite romain traditionnel, mise à part la suppression d’un « ut » qui fait place à une simple virgule, ce qui n’est rien. Il est toujours à craindre que l’intention de l’évêque contredise la doctrine du sacerdoce catholique, mais rien ne me prouve une telle chose chez Mgr Coloni, qui a accepté (et voulu) ordonner les moines de Flavigny qui avaient alors une réputation de traditionnalistes.
« Quant au sacre épiscopal de Mgr Coloni, comme celui de Mgr Lustiger qui l’a sacré évêque, etc…, mon jugement, partagé par le meilleur professeur de théologie de notre séminaire d’Argentine, l’abbé Alvaro Calderón, est que la forme sacramentelle de l’ordre de l’épiscopat dans le rite de Paul VI signifie suffisamment l’ordre de l’épiscopat, à savoir son pouvoir de gouverner un troupeau (son diocèse, au moins son éventuel diocèse). » …
Qui croire ? Mgr Tissier de Mallerais du 12 août 1998 dans sa lettre concernant Mgr Lazo ou Mgr Tissier de Mallerais du 20 juin 2022 ?
Quelle est l’autorité qualifiée pour porter un jugement certain et définitif ? M. l’abbé Alvaro Calderón ?
Vraiment l’évidence et la cohérence ne sont pas au rendez-vous et bien des surprises seront réservées à celui qui entreprendra objectivement l’histoire doctrinale de la FSSPX !
Aujourd’hui la FSSPX confie la consécration des saintes Huiles à Mgr Huonder. Hier elle renvoyait M. l’abbé Hervé Mercury qui n’avait pas refusé que Mgr Bonfils (Ordinaire du lieu) confirme les fidèles de la chapelle (FSSPX) dans le rite traditionnel et avec les saintes Huiles consacrées par un évêque de la FSSPX… Comprenne qui pourra !

Pouvez-vous me contredire lorsque je constate que l’écart entre la FSSPX et la FSSPierre devient imperceptible ?
Quelle évolution ! Évolution d’autant plus incompréhensible que le désordre de l’église conciliaire s’accentue chaque jour davantage… « Nous sommes dans le temps de la grande apostasie », écrivait Mgr Lefebvre le 28 octobre 1988. Il ne faut jamais pactiser avec l’apostasie.
J’entends encore le professeur de théologie morale nous dire à Écône, parlant de l’administration du sacrement de baptême : « Ils n’ont quand même pas touché à l’essentiel ! » Il affirmait, par là, que les baptêmes modernistes étaient valides.
Ma modeste expérience personnelle m’a démontré que cette affirmation pouvait être fausse. Voici un exemple : que penser de ce baptême, administré par un prêtre, âgé et pieux, qui au moment de l’infusion des eaux, demande au grand frère de l’enfant à baptiser, de verser l’eau, et à sa grande sœur, de prononcer la formule rituelle ?
Mgr Lefebvre donnait l’exemple de la formule utilisée pour le sacre de Mgr Danneels , évêque auxiliaire de Bruxelles : « Sois apôtre comme Ghandi, sois apôtre comme Luther ».
Les conséquences d’un tel désordre sont incalculables et donc impossibles à identifier. Cet évêque auxiliaire de Bruxelles – qui réellement ne pouvait être évêque – qu’est-il devenu ? Combien de prêtres a-t-il ordonnés ? A-t-il sacré des évêques ?

Comment peut-on envisager de risquer d’administrer des sacrements, peut-être nuls, alors qu’il est si simple d’en assurer la validité certaine ?

La FSSPX ne reconnaît pas l’authenticité des canonisations récentes des saints. M. l’abbé de Cacqueray rappelait dans son Éditorial de Fideliter n° 182 de mars-avril 2008 « Éviter l’arbitraire pour les saints » : « La Fraternité Saint-Pie X a choisi de ne pas choisir, et d’attendre les décisions d’un Magistère redevenu clair.
« Lors du Chapitre de 2006, elle a rappelé faire ce non-choix « afin de ne pas tomber dans la nécessité de choisir [entre les saints] et de tomber dans l’arbitraire ». Les réflexions proposées ici sont donc spéculatives, et ne prétendent pas trancher définitivement la question. »
Cette attitude n’était pas toujours respectée. Pour preuve : l’Ordo liturgique des sœurs du Trévoux qui depuis de nombreuses années signalait saint Padre Pio au 23 septembre. Mais la dernière édition (2023) ne mentionne plus saint mais bienheureux Padre Pio. L’article de M. l’abbé Toulza paru dans Fideliter n° 265 de janvier-février 2022 p. 35-49 : Les saints qu’il ne convient pas de fêter, n’y est peut-être pas pour rien.
Cette attitude prudentielle vis-à-vis des saints, ne devrait-elle pas s’appliquer aux sacrements réformés ?

Ne devrait-on pas appliquer à ces sacrements possiblement douteux ce que vous affirmiez, vous-même, devant le Chapitre de 2012 au sujet de la nouvelle messe  :
On ne peut se contenter d’affirmer que la nouvelle NOM est valide. La nouvelle messe est mauvaise en soi. Elle représente une occasion de péché d’infidélité. C’est pourquoi elle ne peut pas constituer matière à obligation pour sanctifier le dimanche. À l’heure où Rome reconnaît les deux rites il est nécessaire de rappeler : « au sujet de la nouvelle messe, détruisons immédiatement cette idée absurde : si la nouvelle messe est valide, on peut y participer. L’Église a toujours défendu d’assister aux messes des schismatiques et des hérétiques, même si elles sont valides. Il est évident qu’on ne peut participer à des messes sacrilèges, ni à des messes qui mettent notre foi en danger  ».
C’est clair ! Pourquoi votre raisonnement ne vaudrait-il pas pour les sacrements réformés ?

« Tout régime vit par un principe, disait Napoléon, quand il le perd, il disparaît. »
D’ailleurs vous-même, le 15 mai 2001, répondant au journaliste Giovanni Pelli, affirmiez : « Je pense personnellement qu’il [Jean-Paul II] veut nous intégrer dans cette église pluraliste. Intégration qui serait notre désintégration. »
L’intention des autorités vaticanes n’est-elle plus la même ?
Votre appréciation a-t-elle changé ?
Quoi qu’il en soit, s’il est toujours possible de dire que rien n’a changé dans la FSSPX, depuis le Jeudi-saint dernier, il est impossible de le penser.

Il est grand temps de conclure. La longueur de cette lettre n’est pas son moindre défaut.

Trompé par quelques personnes qui, probablement, ont pris leur désir pour la réalité, l’un de mes bons confrères a cru comprendre que je regrettais de n’être plus membre de la FSSPX et vous aurait demandé la permission (!) d’entrer en contact avec moi. Vous la lui auriez refusée au motif « qu’il ne faudrait pas me laisser croire que la FSSPX a besoin de moi… » Est-ce vraiment votre état d’esprit ?
Non, soyez rassuré, je n’ai jamais éprouvé ce regret d’avoir été chassé de la FSSPX, et je crois pouvoir vous dire que si j’en étais encore membre à ce jour, le temps serait venu pour moi de la quitter, car je ne puis envisager, un seul instant, le risque d’administrer les sacrements avec des huiles douteusement consacrées.

Le ver est dans le fruit, c’est tout simplement Huonderful.

Abbé Nicolas Pinaud