L’effet François se retrouve jusque dans le latin… L’erreur dans l’épigraphe des nouveaux objets d’art installés à Santa Maria Maggiore pour le Jubilé n’est que le point final d’un long déclin de l’art sacré. À cela s’ajoute maintenant la manipulation compliquée des œuvres de Marko Rupnik : Franciscus P.M.A.X. Comme quatre mots. Même le latin, ils ne le connaissent plus ! Considérant que même la réponse à la Dubia et plus est écrite en espagnol : la nouvelle langue officielle de l’Église ?
Sans doute en vue du Jubilé, deux nouveaux objets en marbre d’un blanc éclatant ont été placés devant le maître-autel de Santa Maria Maggiore. À droite, flanqué d’un haut candélabre destiné à accueillir le cierge pascal, un ambon – l’estrade utilisée pour les lectures liturgiques – est décoré de bas-reliefs en métal doré et de frises en mosaïque qui font écho au sol cosmatesque, typique du Moyen Âge romain.
À gauche, une cathèdre blanche s’élève sur un escalier circulaire gris à trois niveaux. Sur une plaque surmontée des armoiries papales – la triple couronne au-dessus des clés croisées – on peut lire le nom latin actuel de l’ancienne église, « sacrosancta papalis basilica Liberiana ». Sur la deuxième marche, le nom du pape est gravé en latin, suivi de quatre lettres entrecoupées de points, une nouveauté épigraphique absolue : « Franciscus P.M.A.X. ».
Compte tenu du contexte, il n’est pas difficile de comprendre que l’acronyme est destiné à indiquer le titre de François, évidemment « pontifex maximus ». Dans la Rome antique, cette appellation désignait à l’origine le chef du collège sacerdotal chargé du culte païen. Avec Auguste, le titre de pontifex maximus a été assumé par les empereurs et a été conservé par les empereurs chrétiens – à commencer par Constantin – jusqu’à ce que Gratien le rejette une quarantaine d’années plus tard, probablement en 375. Ce n’est qu’après plus d’un millénaire, à l’époque de l’humanisme, que le titre de pape « pontifex maximus » a commencé à être utilisé. Abrégé en « pontif. max. », il figure sur la porte en bronze exécutée pour la basilique vaticane par Filarete entre 1433 et 1445, se confondant avec l’abréviation « pont. max. » qui prévaut dans de nombreuses inscriptions. Ainsi, sur la façade de Saint-Pierre, on peut lire en lettres gigantesques que la basilique a été achevée « en l’honneur du prince des apôtres » par « Paulus V Burghesius Romanus pont. max. », dont le nom apparaît au centre avec plus d’évidence que celui du pêcheur de Bethsaïde.
Unique est le contexte du nouvel acronyme. La basilique dédiée à la Vierge Marie – appelée libérienne par le pape Libérius et où se mêlent au moins treize siècles d’art et d’histoire – est en fait la plus belle des quatre basiliques « papales » (qui étaient « patriarcales » jusqu’en 2006, lorsque Benoît XVI a abandonné le titre de « patriarche de l’Occident » [Aujourd’hui, Bergoglio est allé plus loin : New Vatican Yearbook : Vicar of Christ is only a ‘historical title’ here ) : outre St Mary’s, la basilique vaticane de St Peter’s, l’Ostiense de St Paul Outside the Walls et le Lateran de St John’s, la cathédrale de Rome.
Le déclin
L’incident grotesque des initiales P.M.A.X. est aggravé par l’emplacement choquant de l’ambon, des candélabres et du trône – plus adaptés à un film se déroulant au Moyen-Âge – de part et d’autre du baldaquin, soutenu par quatre merveilleuses colonnes de porphyre, qui surmonte le maître-autel. En d’autres termes, dans une zone où d’importantes interventions des XVIIIe et XIXe siècles s’étaient révélées capables de s’adapter à l’ancien plan de la basilique millénaire, confirmant ainsi que l’ancien peut coexister harmonieusement avec le moderne.
Les nouveaux ajouts à Santa Maria Maggiore paraissent donc tout à fait incongrus, et certainement pas d’un niveau en rapport avec le paysage environnant. Mais elles laissent pantois tant par les initiales – plus surréalistes que macaroniques – que par la négligence ou la distraction des commanditaires, ce qui est proprement impardonnable. Ceux qui étaient censés superviser sont-ils aussi ignorants d’un minimum de latin et d’histoire pour ne pas s’être aperçus jusqu’à présent de la bévue ?
Les interventions maladroites dans la basilique libérienne sont une nouvelle manifestation du déclin indéniable du mécénat artistique, mais plus généralement du niveau culturel, dans l’Église catholique. Du moins dans la cité papale. Même si, à Rome, ce sont précisément les années saintes – à partir de 1450 et dans les trois siècles qui ont suivi – qui sont à l’origine de transformations artistiques et urbanistiques souvent magnifiques, mais suivies d’une décadence qui s’est accentuée au cours des dernières décennies.
Au point de tolérer sur la place Saint-Pierre, brisée par des barrières, le placement de gigantesques crèches de plus en plus laides au moment de Noël à partir du pontificat de Jean-Paul II. Mais en 2019, un monument aux migrants a été ajouté à l’hémicycle [voir]. À vrai dire, l’artefact devait être déplacé dans les jardins du Vatican – qui accueillent depuis près d’un siècle et demi des œuvres de valeur modeste offertes aux papes – mais il reste pour l’instant, juxtaposé à la colonnade de gauche, à rivaliser avec le chef-d’œuvre du Bernin. (…)